Don Quichotte de la démanche

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Jouant sur la frontière entre le rêve et le réel, Don Quichotte de la démanche (prix du Gouverneur général du Canada en 1974) entraîne le lecteur dans un voyage imaginaire porté par une écriture souveraine. Huitième roman de Victor-Lévy Beaulieu, le livre s’ajoute à la “Vraie Saga des Beauchemin”, après Race de monde, Jos Connaissant et Oh Miami, Miami, Miami.Tout commence par la mort d’Abel Beauchemin, le héros et narrateur, double de l’auteur. Terrassé par l’abandon de sa femme Judith, partie avec son amant à Miami, Abel a sombré dans l’alcool et le délire. Sa mort annoncée se transforme en rêve éveillé, cauchemar insistant dont le pouvoir d’écrire semble être l’ultime enjeu. Jouet de son propre imaginaire, Abel paraît ballotté par la vie, ses proches se confondant avec ses personnages. “Et il sanglotait à côté de Judith, balbutiant : ‘Je n’en peux plus, Judith, je n’en peux plus !’, et il ne savait pas ce qu’il voulait dire par cela, si ces mots incohérents concernaient son œuvre, les quatre ou cinq romans qu’il avait écrits et ceux qui se pressaient derrière, mille fois plus ignominieux, comme si mon chaudron de romancier n’avait pas de fond, l’obscène me ramenant à l’obscène, le morbide entretenant le morbide, sans que je le veuille car je n’ai plus la foi. Ô exorcisme, ma vieille mitaine !”Passant du “il” au “je” sans transition, multipliant les styles, Victor-Lévy Beaulieu fait flèche de tout bois dans ce roman, qui prend les allures d’un délire contrôlé. La liberté, la fantaisie, l’invention langagière y partent en croisade, à l’instar de Jos, nouveau Don Quichotte, qui fonde l’Ordre des porteurs d’eau pour lutter contre l’aliénation du peuple québécois. Morceau choisi d’une œuvre monumentale. --Raymond Bertin --Ce texte provient d'une édition qui n'est plus publiée ou qui est non diponible.