Le Bestiaire à pas perdus

De l’enfance aux voyages, au milieu des gens, j’ai croisé des bêtes. En contractant envers cette faune une dette issue d’un intermonde occulte, mal éclairé, magnifiquement troublant qui grouille de pattes, d’ailes et d’antennes au fond de nous. Puissé-je leur rembourser un peu mon dû par ces nouvelles lancées au vent…

Ma mère avait été élevée par des chats. J’avais de qui tenir… Dans ma famille, pourtant urbaine, les animaux de tous poils, carapaces et plumes se relayaient pour nous bercer, nous tenir tête et nous observer du coin de l’œil. Ils n’ont jamais trahi mes confidences. Avec les Fido, les Pantoufle, les Gudule, des dialogues télépathiques se sont noués dans l’ombre, perpétués à l’âge adulte auprès de nouvelles couvées.

Ce bestiaire aborde les mystères de ces conversations muettes, aboyées, murmurées ou brayées à tue-tête, mais toujours fécondes. Elles touchent à ma vie et effleurent mes rêves. Des mythologies diverses les auront mises en scène avant moi.

Chats et chiens de tous les jours, crocodiles homonymes, crapauds mélomanes, dodos d’hier et maringouins d’aujourd’hui… l’arche d’Odile Tremblay n’a rien à envier à celle de son illustre prédécesseur. Oubliez toutefois le vieux rafiot en bois : c’est en son souvenir qu’elle accueille sa ménagerie et qu’elle la transporte sur les flots rieurs de son imaginaire poétique. D’animal en animal, de légende en anecdote, elle roule ainsi sa bosse à leurs côtés, toujours à l’écoute de leur mille et un secrets, car elles ont bien des choses à dire, les bêtes, sur ces énergumènes à deux pattes qui tantôt les pourchassent, tantôt les vénèrent depuis qu’ils sont sortis du ventre de la création. Accompagnées par des illustrations inédites de Marie-Hélène St-Michel, la trentaine de fables réunies dans ce bestiaire sont de petits bijoux d’intelligence et de drôlerie.