Les lièvres

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— Nous sommes comme des lièvres dans ce champ, dit Manon, pensive. Courant droit devant nous, sans savoir où, pour un bruit, pour une ombre. Où allons-nous ? — Nulle part, dit Albert. On court parce qu’on est vivant. C’est tout. Et le bruit dans les feuilles de maïs a cessé depuis longtemps quand nous nous arrêtons. Telle est la conclusion désenchantée que l’auteur donne à son livre par l’intermédiaire de ses deux héros, Albert et Manon, dont l’histoire traduit la grande inquiétude de la jeunesse au seuil de la vie. C’est dans un groupe d’étudiants qui se retrouvent dans un café du Quartier latin que nous apprenons à connaître Manon l’ombrageuse ; Albert qui l’aime veut devenir écrivain. Mais Manon tombe amoureuse de Quentin Beauregard, un bel Espagnol qui se destine au théâtre. Quentin emmène Manon en Espagne. Les autres amis de cette bande sont Lulu, fils d’un riche banquier, amoureux de Babette, petite bourgeoise sans problèmes, Arabelle, fille d’avocat, le Bigleux, futur géologue. Quentin abandonnera Manon en Espagne ; Manon acceptera l’amour d’Albert pour le quitter à l’appel de Quentin parti en Amérique ; Albert abandonnera son rêve d’écrivain pour entrer dans la banque de Lulu ; Lulu abandonnera Babette… Ainsi se défait ce groupe comme se défont les rêves de ces jeunes avides de vivre, désespérés devant cette vie qui ne leur offre pas ce qu’ils en attendaient, passionnés d’absolu et déjà blessés par les compromissions. Dans un langage dont le pittoresque conserve la brutalité innocente de l’enfance, ils se cherchent, tentent de s’expliquer, et leur pudeur ne leur permet que des plaisanteries qui cachent leur désarroi.